Emploi d’un travailleur étranger
La loi 2024-42 du 26-1-2024 pour contrôler l’immigration a créé une amende administrative due pour l’emploi irrégulier d’un étranger en remplacement de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative des frais d’éloignement du territoire versées à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii). Un décret du 9-7-2024 a précisé les modalités d’application de cette nouvelle amende admi-nistrative. Ce texte a également renforcé, depuis le 1-9-2024, les conditions de délivrance d’une autorisation de travail pour l’emploi d’un étranger et a revu les conditions de mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d’ordre en cas d’emploi irrégulier d’un étranger par son cocontractant, pour des faits constatés depuis le 16-7-2024.
Une amende administrative en cas d’emploi irrégulier d’un étranger
Fin des contributions Ofii
Auparavant, l’employeur qui embauchait, conservait à son service ou employait, directement ou par personne interposée, pour quelque durée que ce soit, un travailleur étranger non muni d’un titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France devait verser à l’Ofii une contribution spéciale et une contribution forfaitaire représentative des frais d’éloignement du territoire français. La loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration du 26-1-2024 a supprimé ces deux contributions et les a remplacées par une nouvelle amende administrative (Loi 2024-42 du 26-1-2024 art. 34, JO du 27 ; C. trav. art. L 8253-1 et L 8254-2). Un décret du 9-7-2024 a précisé les modalités d’application de cette nouvelle amende administrative, qui s’applique aux procédures de sanction portant sur des faits commis à compter du 17-7-2024 mais également sur des faits commis avant le 17-7-2024 (Décret 2024-814 du 9-7-2024 art. 2, 4° à 7° et 6, II, JO du 16).
Application de la nouvelle amende
L’employeur ou le donneur d’ordre qui embauche ou emploie, pour quelque durée que ce soit, un étranger non muni d’un titre l’autorisant à exercer une activité en France ou qui engage ou conserve à son service un étranger dans une catégorie professionnelle, une profession ou une zone géographique, autres que celles mentionnées sur son titre de travail, ou qui recourt sciemment aux services d’un employeur d’un étranger non autorisé à travailler est désormais sanctionné par une amende administrative. L'amende est due pour chaque travailleur étranger irrégulièrement employé (C. trav. art. L 8251-1 et L 8251-2 et R 8253-1 ; Décret art. 2, 4°).
Son montant. Le montant maximal de l’amende est fixé à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti (MG = 4,15 € depuis le 1-1-2024) par travailleur étranger concerné, soit au maximum 20 750 € en 2024.
Réduction du montant de l’amende. Ce montant maximal de l’amende peut être réduit à 2 000 fois le taux horaire du MG (soit 8 300 € en 2024) lorsque l'employeur s’acquitte spontanément, dans les 30 jours de la constatation de l’infraction, des salaires et indemnités dus au travailleur étranger pour la période où il a été employé irrégulièrement (C. trav. art. R 8253-2, al. 2 ; Décret art. 2, 5°).
Versement sous 30 jours des sommes dues au travailleur étranger L’employeur dispose de 30 jours à compter de la constatation de l’infraction pour verser ces sommes au travailleur étranger irrégulièrement employé. Il doit lui remettre les bulletins de paie correspondants, un certificat de travail, ainsi que le solde de tout compte, puis justifier auprès de l'Offi et auprès du ministre chargé de l'immigration, par tout moyen, de l'accomplissement de ces obligations (C. trav. art. R 8252-4 et R 8252-6). |
Majoration du montant de l’amende. Le montant de l’amende administrative peut être majoré en cas de réitération jusqu’à un montant maximal de 15 000 fois le taux horaire du MG, soit au maximum 62 250 € en 2024 (C. trav. art. L 8253-1). La réitération signifie que l’employeur a déjà été condamné à payer l'amende administrative dans les 5 ans précédant la constatation de l'infraction (C. trav. art. R 8253-2, al. 3).
Le ministre chargé de l'immigration prononce l'amende administrative et fixe son montant en prenant en compte les capacités financières de l'employeur, le degré d'intentionnalité, le degré de gravité de la négligence commise et les frais d'éloigne-ment du territoire français du ressortissant étranger en situation irrégulière (C. trav. art. L 8253-1, al. 2).
Frais d'éloignement du territoire français du ressortissant étranger en situation irrégulière Le montant des frais d’éloignement du territoire français du ressortissant étranger en situation irrégulière est compris dans le montant de l’amende. Il est fixé par arrêté ministériel en fonction du coût moyen des opérations d’éloignement suivant les zones géographiques à destination desquelles les étrangers peuvent être éloignés (C. trav. art. R 8253-2, al. 1 modifié). |
Procédure de mise en oeuvre de l’amende administrative. Après examen des procès-verbaux (PV) d’infraction et des rapports des manquements commis qui lui sont transmis par les agents de contrôle compétents (agents de l'inspection du travail, agents et officiers de police judiciaire et agents de la direction générale des douanes), le ministre chargé de l'immigration doit informer l’employeur, par tout moyen conférant date certaine, que l’amende administrative est susceptible de lui être infligée, et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de 15 jours sur les faits qui lui sont reprochés. Il l’informe également de son droit de demander une copie du PV d'infraction ou du rapport établissant les manquements reprochés. Si l’employeur demande une copie du PV ou du rapport, le délai pour présenter ses observations court jusqu'à la fin d'un délai de 15 jours débutant à compter de la date de réception du PV (C. trav. art. R 8253-3 modifié ; Décret art. 2, 6°).
À la fin du délai de 15 jours, le ministre chargé de l'immigration décide, au vu des éventuelles observations de l’employeur, de l'application et du montant de l'amende. Il doit notifier sa décision motivée à l’employeur (C. trav. art. R 8253-4 modifié ; Décret art. 2, 7°).
Contestation de l’amende. Les contestations relatives à l'amende doivent être portées devant le tribunal administratif dans le ressort duquel l'infraction a été constatée (C. just. adm. art. R 312-16 nouveau ; Décret art. 4).
Renforcement des conditions de délivrance d’une autorisation de travail
Le préfet délivre une autorisation de travail en France pour un travailleur étranger dès lors que plusieurs conditions sont remplies, qui tiennent notamment :
- à l'emploi proposé : soit cet emploi relève de la liste des métiers en tension (Ceseda art. L 421-4) établie par un arrêté interministériel, soit l'offre pour cet emploi a été préalablement publiée durant 3 semaines auprès des organismes concourant au service public de l'emploi et n'a pu être satisfaite par aucune candidature répondant aux caractéristiques du poste de travail proposé ;
- au respect par l’employeur, l’utilisateur ou l’entreprise d'accueil et le salarié des conditions réglementaires d’exercice de l’activité concernée ;
- au respect par l’employeur de ses obligations déclaratives sociales liées à son statut ou à son activité ;
- à l’absence de condamnation pénale ou de sanction administrative infligée à l’employeur pour le motif de travail illégal ou pour méconnaissance des règles générales de santé et de sécurité au travail ;
- au respect du Smic ou du minima conventionnel pour la rémunération proposée au travailleur étranger (C. trav. art. R 5221-17 et R 5221-20).
Ces conditions pour obtenir la délivrance d’une autorisation de travail pour l’emploi d’un étranger ont été renforcées depuis le 1-9-2024 (Décret art. 1er et 6, I).
Nouvelles conditions depuis le 1-9-2024
Respect des obligations sociales. L’employeur, et désormais également le donneur d'ordre, l'entreprise utilisatrice, ainsi que l'entreprise d'accueil doivent respecter les obligations sociales liées à leur statut ou à leur activité (et pas seulement les obligations décla-ratives sociales) (C. trav. art. R 5221-20, 2° modifié).
Absence de condamnation et de sanction. L’employeur, mais aussi le donneur d'ordre, l'entreprise utilisatrice et l'entreprise d'accueil ne doivent pas avoir fait l'objet de condamnations pénales, ni de sanctions administratives ou de rapport de l’administration pour manquement grave :
- pour des infractions relevant du travail illégal (C. trav. art. L 8211-1) ;
- pour des infractions aux règles de santé et de sécurité au travail ;
- pour l’aide à l'entrée et au séjour irrégulier en France (Ceseda art. L 823-1) ;
- pour la méconnaissance des règles relatives au détachement temporaire de salariés ;
- pour des atteintes à la personne humaine ;
- pour faux et usage de faux (C. trav. R 5221-20, 2° modifié).
Respect des conditions d’exercice de l’activité. Par ailleurs, le donneur d’ordre, tout comme l'employeur le salarié, l'entreprise utilisatrice et l'entreprise d'accueil doivent satisfaire aux conditions réglementaires d'exercice de l'activité considérée, lorsque ces conditions sont exigées (C. trav. R 5221-20, 3° modifié).
Emploi saisonnier. Lorsque la demande d’autorisation de travail concerne un emploi saisonnier, l’employeur doit fournir la preuve que le travailleur dispose, pour la durée de son séjour, d'un logement lui assurant des conditions de vie décentes (C. trav. R 5221-20, 6° nouveau).
Demande de l’autorisation de travail
En principe, la demande d'autorisation de travail est faite par l'employeur (C. trav. R 5221-1, II, al. 1), sauf dans les deux nouveaux cas suivants :
- salarié détaché en France. Lorsque la demande d’autorisation de travail concerne un salarié détaché temporairement en France par une entreprise établie à l’étranger dans le cadre d’un prêt de main-d'oeuvre à but non lucratif, elle est faite par l'entreprise d'accueil (C. trav. R 5221-1, II, al. 2 modifié).
- emploi d’un apprenti détaché. Lorsque la demande d’autorisation de travail concerne un apprenti dont l'employeur est établi à l’étranger qui est accueilli dans une entreprise établie en France pour compléter sa formation, elle est faite par l'entreprise d'accueil (C. trav. R 5221-1, II, al. 3 nouveau)
Nouveau motif de refus de l’autorisation de travail
Depuis le 1-9-2024, l'autorisation de travail peut être refusée par le préfet lorsque le projet de recrutement est manifestement disproportionné au regard de l'activité économique de l'employeur, du donneur d'ordre, de l'entreprise utilisatrice ou de l'entreprise d’accueil (C. trav. R 5221-20-1 nouveau).
Mise en jeu de la solidarité financière du donneur d’ordre en cas d’emploi irrégulier d’un étranger
Toute personne doit vérifier, lors de la conclusion d'un contrat d’un montant d’au moins 5 000 € hors taxe en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution de ce contrat, que son cocontractant respecte l’obligation légale d’embaucher un travailleur étranger muni d’un titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (C. trav. art. L 8254-1, D 8254-1 et D 8254-4).
Le donneur d’ordre qui méconnaît cette obligation est tenu solidairement avec son cocontractant, au paiement du salaire, de ses accessoires et des indemnités de rupture dus à un travailleur étranger non autorisé à travailler, des frais d'envoi des rémunérations impayées vers le pays dans lequel l'étranger est parti volontairement ou a été reconduit et de la nouvelle amende administrative prononcée par le ministre chargé de l’immigration (C. trav. art. L 8254-2).
Par ailleurs, toute personne condamnée pour avoir recouru sciemment aux services d'un employeur d'un étranger non autorisé à travailler est tenue solidairement avec cet employeur au paiement de ces mêmes sommes (rémunérations et charges, frais et amende) (C. trav. art. L 8254-2-2).
Mise en oeuvre de la solidarité financière
Compte tenu du remplacement des deux contributions dues à l’Ofii par la nouvelle amende administrative prononcée par le ministère chargé de l’immigration, la procédure de mise en oeuvre et les sommes dues au titre de la solidarité financière du donneur d’ordre ont été précisées par le décret 2024-814 du 9-7-2024 pour des faits constatés depuis le 16-7-2024 (Décret art. 2, 8° et 6, III).
Procédure de mise en oeuvre. Lorsqu’une personne a été condamnée pénalement pour avoir recouru sciemment aux services d’un employeur d’un étranger non autorisé à travailler, le greffe doit transmettre une copie de la décision de justice au ministre chargé de l'immigration pour lui permettre de mettre en oeuvre la solidarité financière (C. trav. art. R 8254-7 nouveau). Si le ministre entend faire jouer la solidarité financière du donneur d'ordre avec l’employeur (son cocontractant) dans l’un des cas légalement prévus (C. trav. art. L 8254-2 à L 8254-2-2), il doit l’informer, par tout moyen conférant date certaine, que ces dispositions sont susceptibles de lui être appliquées, et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de 15 jours.
Si la procédure est engagée au vu des procès-verbaux (PV) et rapports qui lui sont transmis par les agents chargés du contrôle, il doit informer également le donneur d’ordre de son droit à demander la communication du PV d'infraction ou du rapport établissant les manquements relevés à son égard. Si le donneur d’ordre fait cette demande, le délai pour présenter des observations court jusqu'à la fin d'un délai de 15 jours à compter de la date de réception du PV ou du rapport (C. trav. art. R 8254-8 nouveau).
Prononcé de la décision. À la fin du délai de 15 jours, le ministre chargé de l'immigration doit décider ou non, au vu des éventuelles observations du donneur d’ordre et, s'il y a lieu, des sommes déjà recouvrées au titre des salaires et indemnités, de mettre en jeu sa solidarité financière. Il doit lui notifier sa décision motivée et les sommes qu’il doit payer (les salaires et indemnités de rupture dus au travailleur étranger, les frais d’envoi des rémunérations et l’amende administrative). Le ministre doit notifier également sa décision au directeur général de l'Ofii (C. trav. art. R 8254-9 nouveau).
Appréciation du montant exigible Le ministre détermine les montants exigibles à proportion de l'étendue des relations entre le donneur d'ordre et son cocontractant, en tenant compte, notamment, de la valeur des travaux réalisés, des services fournis et de la rémunération en vigueur dans la profession (C. trav. art. R 8254-9 nouveau). |
Recouvrement des sommes dues par le donneur d’ordre
Le ministre chargé de l'immigration liquide et émet le titre de perception correspondant aux sommes dues par le donneur d'ordre au titre de l'amende administrative. La créance relative à cette amende est recouvrée par le Trésor public.
Concernant les rémunérations et indemnités de rupture dues au travailleur étranger, ainsi que les frais d’envoi des rémunérations, le directeur général de l'Ofii demande au donneur d'ordre de verser ces sommes sur un compte ouvert par l'Ofii au nom du salarié étranger dans un délai qu'il détermine, et qui ne peut être inférieur à 15 jours. À défaut de règlement par le donneur d'ordre au terme de ce délai, le directeur général de l'Ofii procède au recouvrement forcé des sommes (C. trav. art. R 8254-10 nouveau).
Décret 2024-814 du 9-7-2024, JO du 16
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